INTERET DE LA DISCECTOMIE PAR VOIE TRANSFORAMINALE
APRES CHIRURGIE INTERLAMAIRE
DES HERNIES DISCALES LOMBAIRES
(E. GOZLAN, Paris; M. FORGERIT, Niort; B.LAVIGNOLLE, Bordeaux;
O. RICART, Thionville; V. LAVIGNOLLE-AURILLAC, Bordeaux)
Une étude multicentrique a été effectuée à propos de 125 cas de patients souffrant d’une radiculalgie après chirurgie interlamaire conventionnelle et opérés par la technique Y.E.S.S. (YEUNG ENDOSCOPIC SPINAL SYSTEM).Les patients ont été évalués à 3 et 12 mois post endoscopie.
OBJECTIFS:
Déterminer les causes d’échecs ou de récidives après chirurgie intracanalaire.
Evaluer l’efficacité de la Discectomie Endoscopique Transforaminale (D.E.T.) et poser les indications pouvant relever de cette technique.
REFERENCES:
Cette étude fait suite à une étude multicentrique publiée dans la revue RACHIS (congrès GIEDA 2006). Elle concernait 644 cas de patients ayant subi une D.E.T.
L’évaluation à 3 mois avait montré un taux de succès de 83,4%, et surtout un taux de complications minimes de 1,08%.
Cette étude avait inclus toutes sortes de hernies discales et en particulier 46 patients qui avaient déjà subi une chirurgie conventionnelle. Le taux de succès après D.E.T était alors de 87%.
REVUE DE LA LITTERATURE:
Les publications concernant les échecs de la chirurgie interlamaire sont nombreuses :
- Déjà en 1989, John A. MCCULLOCH (Principles of Microsurgery for Lumbar Disc Disease, chap. 21) avait établi les critères de récidive herniaire : les patients doivent être guéris après une première intervention et présenter à nouveau de réels symptômes et signes de conflit disco-radiculaire. Dans son expérience sur les récidives, celles-ci apparaissent au même étage dans 60 à 80% des cas et dans 10 à 20% du côté opposé. La sténose foraminale est la seconde cause de récidive, due au pincement discal ou à des phénomènes d’instabilité apparus après la première intervention.
Les investigations complémentaires ne sont pas toujours concordantes et il souligne le fait que le diagnostic de « fibrose » est trop souvent porté abusivement alors que les patients présentent cliniquement de réels signes de récidive herniaire.
- Dans plusieurs publications, BURTON CV et coll. (Clin. Orthop. 1981-1996), a clairement identifié que les échecs de la chirurgie ouverte représentaient aux USA un véritable problème de santé publique et concernait 25000 à 50000 cas par an. Dans son expérience, il a trouvé que la diminution du volume discal après curetage prédisposait à une future sténose latérale. Il estime que la sténose latérale est l’étiologie principale des causes d’échecs de la chirurgie conventionnelle et concerne 57% des patients opérés.
- D’après ROBERTSON JT (Eur Spine J., Neurosurgery, 1996), les échecs de la chirurgie conventionnelle concernent environ 15% des patients opérés et sont principalement dus à un diagnostic et une chirurgie inappropriée. Une des causes les plus importantes est la fibrose péridurale qui peut induire des phénomènes de tractions sur la duremère et les racines nerveuses.
Sur une étude IRM effectuée chez des patients opérés, il a découvert une corrélation significative entre l’extension de la fibrose péridurale et la persistance de la radiculalgie.
- FRITSCH EW et al. (Spine 1996) dans une étude rétrospective à propos de 182 cas a montré que les résultats sont mauvais chez 10 à 30% des cas après première intervention. Le taux de réintervention nécessaire se situe entre 5 et 18% avec dans ces cas des résultats peu satisfaisants.
En particulier, son étude a montré que la laminectomie effectuée lors d’une première chirurgie pourrait être le seul facteur pouvant conduire à une seconde chirurgie.
LES PREMIERES EXPERIENCES DE D.E.T. APRES CHIRURGIE CONVENTIONNELLE:
Les 3 causes principales susceptibles d’être traitées par D.E.T. après chirurgie conventionnelle sont : le plus souvent une récidive in situ facilement détectable par l’IRM, assez souvent une insuffisance de décompression et parfois une hernie discale non identifiée à un autre étage.
- SANG-HO LEE et al. (SPINE 2004) a été le premier a publier une étude à propos de 43 cas de patients opérés et ayant subi une D.E.T. après récidive. Le suivi moyen était de 31 mois et les résultats satisfaisants ont été estimés à 81,4%.
Concernant l’insuffisance de décompression, il faut distinguer : un fragment discal séquestré non identifié ou bien un fragment postérolatéral et/ou foraminal persistant, ou encore une sténose foraminale (préexistante ou induite).
- A.T.YEUNG et M. KNIGHT considèrent que la sténose foraminale est présente dans 70% des cas d’échec après chirurgie conventionnelle. Dans ce but, ils ont mis au point la technique de foraminoplastie endoscopique assistée au laser pour élargir le foramen et décomprimer la racine sortante.
Lors du dernier congrès de l’IITS (avril 2006), quatre publications ont été présentées sur ce même sujet :
- M. KNIGHT a trouvé un taux de succès de 85% chez 65 patients opérés et évalués à 1 an et 81% à 3 ans après D.E.T.
- T. HOOGLAND et coll., dans une étude prospective de 262 patients opérés évalue les résultats de la D.E.T., à 2 ans, avec un taux de succès de 85,71%.
- S. RUETTEN et coll. obtiennent un taux de succès de 91%, à 1 an, chez 40 patients opérés et repris par D.E.T.
- E. GOZLAN a publié une étude prospective à propos de 78 cas opérés évalués à 3 mois après D.E.T., avec un taux de succès de 82%.
Les auteurs concluent que cette technique présente plusieurs avantages par rapport à la chirurgie conventionnelle : simple neurosédation, incision minime, résection osseuse et fibrose épidurale quasi absentes, suites post opératoires simples et période de réhabilitation raccourcie.
MATERIELS ET METHODES:
Le matériel utilisé est un endoscope de 3ème génération (WOLF), une électrode bi polaire H.F.R. ainsi qu’un laser Holmium-YAG de 45 watts (L.I.S. LASER) pour l’hémostase et la thermomodulation des déchirures annulaires.
L’étude multicentrique actuelle a rassemblée les résultats sur 125 patients traités dans quatre centres différents de janvier 2002 à mars 2006, par la même technique. La moyenne d’âge était de 47,12 ans (min.16 et max. 80). Le sexe ratio était de H/F = 65/60. La moyenne de durée des symptômes après chirurgie primaire était de 17,46 mois. A noter que 55 patients présentaient des signes neurologiques. La répartition des étages opérés était la suivante : 71 disques L4L5, 50 disques L5S1, 16 disques L3L4 et 1 disque L2L3.
13 patients ont subi une D.E.T. à 2 étages et dans 30 cas une foraminoplastie a été associée.
Une chromodiscographie en pré ou per opératoire a été systématiquement effectuée.
La distribution selon les résultats radiologiques (IRM, scanner, discographie) était la suivante : 74 récidives herniaires in situ, 6 fragments sequestrés, 16 hernies foraminales, 30 sténoses foraminales, 12 H.D. situées à un autre étage.
Les résultats ont été évalués, d’une part, à l’aide d’une E.V.A. séparée pour les douleurs lombaires et radiculaires, et d’autre part, à l’aide des questionnaires de DALLAS et/ou d’OSWESTRY. Le taux de succès a été évalué en séparant les bons, très bons et excellents résultats, des modérés, minimes et nuls.
RESULTATS:
Les résultats à 3 mois sur 125 cas post D.E.T. ont montré :
- La disparition des signes neurologiques dans 42 cas sur 55
- une diminution de la moyenne des E.V.A. radiculaires de 74%
- une diminution de la moyenne des E.V.A. lombaires de 48%
- une diminution de la moyenne du questionnaire de DALLAS, calculée sur 112 cas, de 40%.
- une diminution de la moyenne du test d’OSWESTRY, calculée sur 17 cas, de 75%
- Le taux de succès global a été évalué à 79%.
Les résultats à 1 an, évalués sur 79 patients, ont montré:
- une diminution de la moyenne des E.V.A. radiculaires de 83%
- une diminution de la moyenne des E.V.A. lombaires de 68%
une diminution de la moyenne du questionnaire de DALLAS de 48%
- Le taux de succès global a été évalué à 87%.
En particulier, aucune complication majeure n’est apparue dans cette étude.
ANALYSE STATISTIQUE:
L’analyse statistique a été effectuée à l’aide du « test de Student ». Celle-ci a montré une différence significative (p<10-4), à 3 mois et à 12 mois, tant sur le plan de la qualité de vie que sur les 2 échelles analogiques lombaires et radiculaires.
En ce qui concerne les 17 patients évalués à l’aide du score d’OSWESTRY, l’analyse statistique a été effectuée avec « le test de Sign ». Dans ce groupe, le test est significatif (p<10-4), et l’on peut également constater une amélioration statistiquement significative à 3 mois, par le score d’OSWESTRY.
Les résultats à 1 an montrent une évolution encore plus favorable par rapport à ceux de 3 mois avec une diminution nette de la moyenne des EVA radiculaire et lombaire ainsi que du questionnaire de DALLAS. De plus, le taux de succès est passé de 79% à 87%.
DISCUSSION:
D’après A. DEBURGE (SOFCOT 2001) : « La chirurgie de reprise tient une place croissante dans l’activité du chirurgien du rachis. On sait pourtant que les résultats de cette chirurgie sont moins satisfaisants que ceux de la chirurgie initiale »... « Si l’on prend en compte la totalité des complications y compris les complications générales non spécifiques ce taux est beaucoup plus important et atteint 25,6% dans notre expérience récente (12% si on exclut les brèches durales et les complications générales « incident »)».
La Discectomie Endoscopique par voie Transforaminale (D.E.T.) est une technique déjà très répandue dans le monde entier et reconnue comme moins invasive avec un taux de complications minime. Nous citerons en particulier une étude multicentrique de John C.CHIU et coll. (J.M.I.S.T., 2001), à propos de 26 860 cas de discectomies endoscopiques percutanées, effectuées par 40 chirurgiens répartis dans 19 centres. Le taux de satisfaction était supérieur à 90%, le taux de complication était inférieur à 1% et le taux de réintervention également inférieur à 1%.
Cette technique a désormais fait la preuve de son efficacité en France avec des résultats stables, voire meilleurs à 1 an et peut donc constituer une alternative significative à la chirurgie conventionnelle.
Les principaux avantages de la D.E.T. sont d’une part, d’être moins invasive en évitant en particulier l’abord intra-canalaire et l’effraction des muscles spinaux profonds, mais également avec un taux minimal constant de complications. D’autre part, l’absence d’anesthésie générale permet de l’effectuer chez des patients âgés ou à risques. Enfin, la durée d’hospitalisation et de convalescence sont raccourcies.
Cependant, la courbe d’apprentissage relativement difficile de l’endoscopie rachidienne par voie transforaminale freine la diffusion de cette technique en France.
Il faut souligner que les derniers progrès techniques ont permis de produire des instruments et endoscopes de plus en plus performants. De plus, la découverte de nouvelles thérapeutiques telles que le remplacement nucléaire, la réparation et régénération discale, la mise en place de cages inter-somatiques par voie percutanée vont probablement surmonter cette inertie.
Dans notre expérience, chez les patients déjà opérés,les examens radiologiques tels que scanner et IRM peuvent se révéler insuffisants dans le diagnostic, essentiellement du fait de la présence d’une fibrose épidurale, mais qui ne doit pas systématiquement être mise en cause.
Le test discographique est alors indispensable permettant de révéler une décompression insuffisante par la persistance d’un fragment discal compressif ou la présence d’une récidive mal visualisée sur les autres examens.
En cas de sténose foraminale arthrosique, cette technique endoscopique est idéale du fait de l’abord direct du foramen et des possibilités d’élargissement de celui-ci par foraminoplastie instrumentale et au laser.
CONCLUSION:
La technique Y.E.S.S. est maintenant bien rôdée et reproductible. Elle peut donc constituer une alternative efficace après une première chirurgie interlamaire.
Cependant, les indications doivent être bien posées en se fiant en priorité à la clinique, les examens radiologiques ne venant que confirmer le diagnostic. En effet, on connaît bien maintenant la fréquence des faux positifs ou négatifs de ceux-ci. En cas de doute, et surtout après discectomie chirurgicale, le test discographique prend une importance primordiale dans le diagnostic et l’indication d’un traitement endoscopique transforaminal.
De plus, l’endoscopie permet d’utiliser la thermomodulation par électrodes HFR ou laser.
Cette dernière technique adjuvante est d’autant plus justifiée après chirurgie primaire, par la constatation d’une néoneurogénèse et angiogénèse, souvent retrouvées au niveau du disque opéré et à l’origine de douleurs discogéniques.